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Pourquoi je ne vais pas ouvrir une salle d’escalade pour le moment (Et pourquoi c’est un vrai problème)

L’idée d’ouvrir une salle d’escalade me trotte dans la tête depuis longtemps.

Passionné par ce sport, j’ai souvent imaginé ce que pourrait être une structure bien pensée, conviviale, avec un staff compétent, des ouvreurs motivés et bien rémunérés. Une salle qui respecte les pratiquants, mais aussi les salariés.

Mais après avoir fait les calculs et de nombreuses heures à travailler le projet… je n’ouvrirai pas de salle, pour le moment. Et voici pourquoi.


1. Un modèle économique trop fragile pour être vertueux

Ouvrir une salle d’escalade, c’est un investissement lourd :

  • Local de 400 à 800 m² pour du bloc et le double pour une salle de corde: les loyers en zone urbaine sont très élevés, souvent entre 8 000 € et 20 000 € HT/mois selon la localisation et avoir une bonne zone de chalandise.

  • Construction de la structure + prises + matelas : de 400 000 à 600 000 € en coût initial voir plus d’un million d’euros pour une salle de corde.

  • Emprunt bancaire sur 7 à 10 ans : pour un investissement de 500 000 €, cela représente environ 7000 € à 8 000 €/mois de remboursement, en comptant les intérêts.

Escalade falaise

2. Une équipe motivée, c’est un coût nécessaire

Je ne veux pas exploiter des passionnés sous prétexte qu’ils aiment leur métier. Voici les salaires que j’estime justes (en net) :

PosteSalaire Net souhaitéCoût total employeur (env. 1,6x)
Accueil polyvalent1 900 €~3 040 €
Ouvreur junior2 100 €~3 360 €
Ouvreur confirmé2 400 €~3 840 €

Avec 5 salariés (3 à l’accueil, 2 ouvreurs), on parle déjà de 18 000 à 20 000 € / mois de masse salariale charges comprises. Et je ne parle même pas de formation, ou de primes et le patron n’est pas dedans…

Relais escalade

3. Le prix de l’abonnement doit suivre

Pour équilibrer ce modèle, une salle aurait besoin d’un chiffre d’affaires de 40 000 à 45 000 € / mois pour juste être à l’équilibre (loyer, remboursement, salaires, électricité, entretien, etc.).Et comme dirait le comptable cela n’est pas viable si accident de travail, sinistre etc

Avec un abonnement à 60 €/mois, il faut au moins 650 abonnés réguliers. Et ce chiffre n’inclut ni marge, ni aléas, ni renouvellement du matériel.

Or, dès qu’on parle d’un abonnement à plus de 45 €, les critiques pleuvent :

“C’est trop cher !”
“L’autre salle fait moins cher”
“C’est scandaleux, c’est un sport populaire !”

Mais derrière, les mêmes personnes veulent :

  • Des salariés compétents, accueillants et motivés

  • Des ouvreurs créatifs, avec des blocs renouvelés chaque semaine et des styles variés

  • Des lieux propres, modernes, climatisés, ventilés

  • Des horaires larges, 7 jours sur 7 de 10h00 à 22h00


4. Comparaisons avec d’autres secteurs

🔹 Salle de musculation  :
Des abonnements à 30-50 €, mais avec très peu de personnel, souvent des machines automatiques, pas d’encadrement.

🔹 Cours de yoga/pilates :
10 à 20 personnes, pour 15 à 25 € la séance, soit l’équivalent de 60 à 100 € / mois pour 1 à 2 cours hebdo.

🔹 Escalade en extérieur (stages) :
Une journée avec un moniteur diplômé, c’est 60 à 90 € la journée par personne.

L’escalade est un sport technique, exigeant, où la sécurité et la création de voies ont un coût humain. Et pourtant, on hésite à payer plus de 2 € la séance (sur un abonnement mensuel à 45 € avec 20 séances/mois).

Femme escalade

5. Conclusion : on ne peut pas vouloir le beurre et l’argent du beurre

Tant que le public ne sera pas prêt à payer le juste prix, il restera difficile d’avoir un modèle viable respectueux du travail des salariés.

Et ce n’est pas propre à l’escalade. On retrouve le même paradoxe dans la restauration, l’agriculture, la culture, l’habillement etc. :
👉 Tout le monde veut du local, du bio, du fait-maison, du bien garnit… mais pas à 15 € l’assiette ou encore un t-shirt de super qualité à…10€…


Donc non, je n’ouvrirai pas de salle, pour le moment…

Parce que je refuse de devoir :

  • Faire des économies sur les salaires,

  • Exploiter des jeunes passionnés,

  • Tirer les prix vers le bas pour “rester compétitif”.

  • Avoir des horaires réduits afin de diminuer la masse salariale et donc les couts. 
  •  

 Car le vrai coût de l’escalade, ce n’est pas que les murs et les prises. C’est l’humain derrière.

Les chiffres avancés sont des extraits rapides réalisés pour un projet de salle dans le sud de la France avec l’aide d’un comptable spécialisé dans ce type de projet mais également des retours comptables de salles existantes… 

Escalade